Le mot
« ignorance » se rapporte à l'absence d’éveil, c'est-à-dire à
l'illusion.
« Demeurer »
fait référence au lieu permanent, le lieu où l'esprit s'arrête. Dans la
pratique bouddhique, il existe cinquante-deux états, et au cœur de chacun
d'eux, un lieu où l'esprit s'arrête appelé lieu permanent. Demeurer signifie
alors « arrêt » et arrêt implique que l'esprit s’est laissé prendre
par quelque chose, qui peut-être n'importe quoi.
Pour rapprocher
cela de votre art martial, lorsque vous prenez soudain conscience que le sabre
descend pour frapper, la volonté de contrer le sabre dans l'instant, arrêtera
votre esprit sur la position du sabre à cet instant particulier, vos mouvements
ne pourront aboutir et votre adversaire réussira à vous pourfendre. Tel est le
sens de l'arrêt.
Alors même que
vous voyez le sabre descendre pour vous frapper, si votre esprit ne se laisse
pas prendre et que vous percevez le rythme du sabre qui vous attaque ; si
vous ne pensez pas à frapper votre anniversaire et qu'aucun jugement ou
pensée ne vous traverse ; si à
l'instant où vous voyez le sabre descendre, votre esprit n'est en aucune
manière prisonnier de quoi que ce soit et que vous avancez droit pour arracher
le sabre des mains de votre ennemi ; le sabre qui descendait pour vous
frapper devient votre propre sabre, et, a contrario, le sabre qui frappe votre
adversaire.
En zen, il est
dit, « attraper la lance et, inversement, transpercer l'homme qui était
venu vous transpercer. » La lance est une arme. Le sens de tout ceci est
que le sabre que vous avez arraché des mains de votre adversaire est devenu le
sabre qui l’a pourfendu. C’est ce que vous appelez, dans votre école, « le
non-sabre. »
Que ce soit par la
frappe de l'ennemi ou par votre propre coupe, que ce soit par l'homme qui
frappe ou le sabre qui coupe, que ce soit par la position ou le rythme, si
votre esprit se laisse distraire de quelque manière que ce soit, vos actions
seront hésitantes, et vous courrez le risque d'être tué.
Si vous vous placez
devant votre ennemi, votre esprit risque d'être attiré par lui. Votre esprit ne
doit pas demeurer à l'intérieur de vous-même. Renforcer l'esprit à l'intérieur
du corps ne doit se faire qu’aux premiers jours de l'entraînement alors que vous
n'êtes encore qu'un débutant.
L’esprit peut être
attiré par le sabre. Si votre esprit se laisse entraîner par le rythme du
combat, il peut vite en devenir prisonnier. Si vous placez votre esprit dans
votre sabre, il risque d'être pris par votre propre sabre. Si votre esprit
s'arrête en l'un de ces lieux, vous n'êtes plus qu'une coquille vide. Vous avez
certainement déjà vécu de telles situations. Il est possible de dire qu'elles
s'appliquent parfaitement au Bouddhisme.
Dans le Bouddhisme,
nous appelons « illusion » l'arrêt de l'esprit. C'est pourquoi nous
parlons, « du désespoir de demeurer dans l'ignorance. »
Extrait de L’Esprit Indomptable,
Takuan Soho,
Editions Budo,
2001
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